4 septembre 2011

Témoignage

« Lundi matin, 8h40. Je suis en retard, comme d’habitude. A chaque fois, je retarde le plus possible le moment de sortir, de prendre la route à contrecoeur pour cet endroit le lycée. Je ne veux pas y aller. 8h52.. Je continue ma marche en silence. Un coup d’oeil machinal, de temps en temps,vers ma montre ou mon portable. J’y arrive inévitablement....

Mais je ne veux pas y aller ! Et pourtant, je suis tout près du lycée à présent.
Je m’arrête un instant. Pourquoi ne pas faire demi-tour, cette fois ? Pourquoi ne pas revenir sur mes pas ? La même question, je me la pose toujours,au terme de ma route. Je ne veux pas y aller. Je regarde ma montre. 8h55. La cloche va bientôt sonner là-bas. Le cours va commencer.


J’ai déjà tellement de retards à mon actif… Je regarde autour de moi. Ces passants, voient-ils sur mon visage toute la détresse que je ressens ?

Ce jeune homme, cette vieille femme, voient-ils dans mes yeux tout mon malaise, toute mon angoisse ? Lentement, je décroche mon sac,ouvre une poche. Lentement, ma main se tend et frôle ma tête, des deux côtés, décroche, une, deux petites choses, les range soigneusement.

Je ne veux pas le faire !Mais je le fais tout de même, et un voile tombe de ma tête et ondule avec le vent, je le plie et le range dans mon sac.Un sentiment de honte, de culpabilité, un sentiment cuisant d’injustice ! Je ne veux pas y aller ! Et pourtant, pourtant, pourtant j’y vais quand même,et je passe bientôt la porte du lycée...

Comment expliquer ce qu’est la souffrance de ne pas être soi-même, d’être contraint à se défaire tous les jours d’une partie de soi, pour acquérir simplement son droit… comment expliquer ce que c’est que d’être quelqu’un d’autre qu’on est pas, de huit heures du matin à six heures du soir, comment dire à celui qui ne sait pas, que ça fait mal, que je ne suis pas moi lorsqu’on me contraint à ça…

Que ça se vit mal… Comment dessiner ce que je ressens ? Une haine, une douleur continue et l’amertume, voilà ce que représente pour moi ce qui pour d’autres est si banal, le lycée. Pour chaque larme que j’y ai versé, chaque insulte que j’y ai entendu, et chaque fois où j’ai eu envie de fuir de cette prison… pour chaque instant que j’y ai passé contre mon gré…

Je porte le voile parce que je l’ai choisi. Pas pour mes parents ni ma famille.Encore moins pour faire comme les autres (ridicule !). A ceux qui pensent que je subis des pressions qui sont la cause de ce choix, je dis : si c’était cela, n’aurais-je pas été heureuse de la splendide aubaine que vous m’offrez en m’obligeant à l’enlever du matin au soir pour aller à l’école ? A ceux qui me croyaient effectivement heureuse, je vous informe que les larmes, les pleurs, le mal-être continu, les crises de sanglots en plein cours de maths, (j’en passe et des meilleures), tous ces symptômes ne s’apparentent pas ordinairement aux sentiments de bonheur et de soulagement.

 En quoi je dérange les autres en portant le voile ? Je n’oblige personne à le porter, moi, c’est une question purement personnelle, c’est mon propre rapport à mon corps, qui découle de toute une démarche éducative, philosophique, idéologique, religieuse, et qui a abouti à la personne unique qui est moi. Personne n’est comme moi et je ne suis comme personne.»

Ya Rabbi aide nos soeurs

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